Une civilisation du bois

La forêt occupe une place importante dans les paysages du département : environ 50% de sa superficie est boisée, ce qui équivaut à une surface de 250 000 ha. Sa présence est historique…

« Le sombre manteau de la forêt est la toile de fond de tout paysage jurassien. A distance, ces massifs forestiers semblent uniformes de lignes et de teintes, mais lorsqu’on y pénètre cette impression disparaît. Les lumières et les ombres alternent d’un versant à l’autre. Tantôt l’on débouche sur la ligne grise des falaises, tantôt un lac apparaît dans son écrin vert. » (Guide Michelin, 1900-1906 « Le Jura »)

Une civilisation du bois
Une civilisation du bois | © Caudex

Une ressource importante et diversifiée

La forêt occupe une place importante dans les paysages du département : environ 50% de sa superficie est boisée, ce qui équivaut à une surface de 250 000 ha. Sa présence est historique sur le territoire, puisque le nom « massif du Jura » provient du bas latin « Juria » qui signifie « forêt de montagne ». À l’époque romaine, le massif était recouvert de forêts impénétrables.

La forêt est multiforme sur l’ensemble du département. Elle constitue la toile de fond de la plupart des paysages. On rencontre de grands massifs sur la plaine, les plateaux et les monts. Parmi ces ensembles forestiers, la forêt de Chaux qui se situe sur la plaine entre le Doubs et la Loue, est la deuxième plus vaste forêt de feuillus de France ; la forêt de la Joux, située sur le rebord du second Plateau du massif, est reconnue pour la qualité de ses sapinières.

Les espaces boisés et la répartition des espèces ne doit rien au hasard sur le territoire, et découle encore ici de la nature des sols et du relief. La vallée de l’Ain marque une limite dans l’étagement des espèces : « A l’Est, ce sont les Résineux : à l’Ouest les feuillus » (Ravier, Les forêts du Jura lédonien et de son avant pays, Les études Rhodaniennes, 1931)

| © Manuel Paysager pour la forêt comtoise


C’est au sein de ces forêts jurassiennes et plus largement franc-comtoises qu’est apparue la tradition des arbres « présidents ». Leur désignation se fait avec une élection par les habitants, les élus et forestiers. D’abord limitée aux sapins, la tradition s’est étendue aux épicéas, chênes et hêtres de la région.

Le Sapin Président de la Forêt de la Joux au début du XXe siècle.
Le Sapin Président de la Forêt de la Joux au début du XXe siècle. | © Delcampe


La Forêt jardinée

C’est le traitement emblématique de la forêt jurassienne du second plateau et des crêtes. Il consiste à maintenir en équilibre une forêt composée d’arbres aux différentes classes d’âge par des prélèvements légers et réguliers pour les besoins sylvicoles. Les feuillus créent un mélange discret dans les peuplements résineux, en une structuration typique où cohabitent toutes les hauteurs d’arbres. Ce traitement est sans impact visuel (interventions minimes, réparties dans l’espace et dans le temps), il assure une permanence du couvert arboré, contrairement aux coupes rases des plantations en futaie régulière.


La base de nombreux savoir-faire

Le travail des montagnons (paysans des montagnes) a commencé dans le Jura grâce aux hivers longs et rigoureux qui figeaient l’activité montagnarde plusieurs mois durant. L’omniprésence des forêts et du bois, principalement d’épicéa, a permis le développement de savoir-faire spécifiques :


Le jouet en bois : c’est une spécialité qui est née entre les mains des moines bénédictins dès le XIe siècle à l’Abbaye de Saint-Claude. Ils sont 7600 artisans tourneurs en 1911 dans le Haut-Jura. Au fil du temps, les artisans paysans jurassiens diversifient leurs produits : jeux d’échecs, bobines, boutons.

La tabletterie, du jouet à l’objet de luxe : le tabletier fait des pièces de tour délicates et une infinité de petits ouvrages en bois, en or, en écaille, en corne, en nacre et en ivoire ; les dames pour le jeu de dames, les pièces pour le jeu d’échecs, les dominos ; des peignes, des bijoux, des étuis, boîtes, éventails, etc.


La boisellerie, l’art de sublimer le bois : au départ, il s’agissait pour les paysans de produire des objets destinés à leur propre consommation : boites à fromage, les seilles pour la traite des vaches, les barattes pour le beurre et différents objets de décoration… Les productions se sont ensuite regroupées, densifiées, et professionnalisées.


La pipe : l’introduction du tabac en France vers 1500 incite les artisans de Saint-Claude à fabriquer des tabatières, des tuyaux de pipes puis des pipes en buis et en merisier. Mais ces bois résistent mal au feu, à la différence de la racine de bruyère à la saveur agréable qui s’impose après 1856. La ville de Saint-Claude recense 4 000 pipiers en 1912.


Le bois de résonance : les épicéas des forêts jurassiennes sont mondialement connus pour leur excellente réponse aux vibrations des cordes des instruments de musique. Le Haut Jura accueille ainsi plusieurs ateliers de luthiers à la recherche des bois les plus beaux au service de la musique.


Les tavaillons, pour se protéger du froid : Le tavaillon (plaques d’épicéa de 60 cm -1 m pour 2 cm d’épaisseur utilisées comme des tuiles pour la couverture des toits) trouve son origine dès le Moyen-Age dans la nécessité de protéger les petits bâtiments devant rester au sec (greniers, fours à pain). Pour les réaliser, des épicéas à pousse lente, âgés de 200 à 300 ans sont sélectionnés  : recevant peu de soleil sur les versants nord de la montagne, ils ne s’accroissent que d’1 à 2 mm de diamètre par an, offrant ainsi une plus grande dureté et une plus grande densité.


Le bois est aussi très présent dans l’histoire et l’artisanat d’une grande partie des savoir-faire du département liés à l’industrie et la gastronomie.



Ressource

Pour plus d’informations sur la thématique : se référer au Manuel Paysager pour la Forêt Comtoise, réalisé par l’ONF et le CRPF

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